Quand j'ai commencé ce blog, je ne savais pas trop ce qui me motivait. J'ai toujours eu besoin d'écrire, mais là, c'était un peu particulier, puisque je m'exposais à être lue. "Etre lue", à bien y penser, l'idée me trouble, comme une opération à cœur ouvert où soudainement on ne cache plus grand-chose de soi. Bref, j'avais besoin de me lancer, voire de me jeter, dans ce blog, question de survie ! A cette époque-là (fin 2010, début 2011), une chanson de Zazie, s'adressant à sa fille et chantait avec elle, faisait résonance en moi : "Je vois dans tes yeux trop grands pour ton âge, des nuages, des orages, des naufrages. Le beau temps, je te l'ai promis même si souvent je fais tomber la pluie. Tout va bien ne t'en fais pas…" Un soir où, après une grosse colère, le calme était revenu dans notre appartement, je l'ai chantée à mon fils. Je ne pensais pas qu'il en comprendrait tout le sens et pourtant, comme un écho de tendresse et de bienveillance, Robin fut là pour, dans certains moments difficiles, m'en rappeler le refrain "Tout va bien ne t'en fais pas, maman".
C'est de cette façon que je devais vivre et prendre pleinement conscience de la suite de la chanson : "Je vois souvent les grands se disputer, si je savais comment les arrêter, je vois dans tes yeux parfois se cacher des nuages, des orages, des naufrages. Les mamans ont des soucis aussi, mais le beau temps viendra après la pluie. Tout va bien ne t'en fais pas…"
Les enfants comprennent vite, très vite, et alors qu'on voudrait les laisser tranquilles, les préserver de nos soucis d'adultes, ils sont déjà à nos côtés cherchant à nous aider et finalement, ils nous accompagnent dans la vie, autant que nous les accompagnons. C'est ce qu'a souvent fait Robin. Je ne sais par quelle étonnante magie ou lien invisible, il devine quand je suis démunie, à court de mots.
Entre autres, je ne savais pas comment lui annoncer que nous allions changer de maison, que son papa allait rester dans l'appartement et que nous, nous allions vivre ailleurs. Quelle notion abstraite, cet "ailleurs", pour un petit de 2 ans et demi et pourtant, Robin savait déjà (bien sûr, je lui en avais parlé, mais sans rentrer dans les détails), il m'a demandé de le poser sur une chaise d'adulte et là, il m'a dit : "Voilà, je suis dans une autre maison". Quelle perche me tendait-il là, il me donnait le courage et même le mot à employer "maison", pour lui dire simplement que nous allions quitter celle dans laquelle nous nous trouvions et emménager dans une autre ! Cette "autre" maison (quasi voisine de l'ancienne), il se l'appropria en me demandant de lister les enseignes (comme un pont, un lien et autant de repères) qui la séparait de celle de son père. C'est ainsi que, pendant plusieurs mois, le matin, sur le chemin de la crèche, Robin et moi décrivions les magasins, l'hôpital… de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, dans un sens, puis dans l'autre : "Nous voilà arrivés chez papa… Nous voilà arrivés chez maman…"
Que de choses se sont passées en un an et demi, Robin aura bientôt 4 ans et je suis toujours aussi frappée par son affabilité et ses "Ça va bien maman ?"
L'une des dernières séances chez son psy, à la demande de Robin, nous y sommes allés, son père et moi (alors que, comme dans la vie et pour que Robin finisse par accepter notre séparation, nous y allons chacun notre tour). Nous ne savions pas ce qu'il avait à nous dire dans ce lieu, qui est SON lieu de paroles. Et ce qu'il nous a dit m'émeut à chaque fois que j'y pense : "Moi, je veux offrir des fleurs à ma maman et lui dire que je l'aime et je veux offrir aussi des fleurs à mon papa et lui dire que je l'aime". A tour de rôle, en même temps qu'il prononçait ces mots, il a embrassé son père sur la main et moi sur la jambe, marquant physiquement ce qu'il était en train de dire. Bien sûr son psy s'est assuré que Robin n'était pas en train de lui attribuer le rôle d'entremetteur entre son père et moi. Il n'en était rien.
Que de chemin parcouru en si peu de temps, même si cela m'a semblé long, très long, avec des moments de découragement et de lassitude. Je sais que la page n'est pas encore complètement tournée et que nous avons encore tous besoin de temps, aussi bien pour nous reconstruire, que trouver notre place, nos marques et nos repères. Et la patience est peut-être bien le maître mot de cette triste histoire qui n'est finalement pas si triste !
"Je t'aime d'amour et de patience" est l'un des derniers secrets de Robin chuchoté, un soir, à mon oreille.
Fin de la chanson et fin de ce post : "Pour toi des mots doux je vais dessiner, les dragons, les renards apprivoisés, pour voir dans tes yeux d'autres paysages, des p'tites fleurs, des p'tits cœurs, du bonheur. Le soleil fait le monde trop cuit alors tant qu'on peut, viens danser sous la pluie. Tout va bien ne t'en fais pas, tout va bien ne t'en fais pas, le changement de climat, demain nous réchauffera."